DAVID MURRAY QUARTET
14 Octobre 2006
Théâtre de Charleville-Mézières

Co-production Charleville Action Jazz / Théâtre

 
 

Une bien belle soirée, mettant en valeur un style de musique rarement programmé par Charleville Action Jazz. En effet, le quartet de David Murray est profondément ancré dans l'histoire du jazz afro-américain. Tout en proposant une musique originale, on sent en permanence un profond respect pour ceux qui ont marqué à jamais l'histoire du saxophone ténor, de Ben Webster à Albert Ayler. Et quel son, aussi époustouflant dans les ballades ( gros grain, vibrato apte à procurer de fortes émotions), que dans les chorus aux marges du free jazz, avec growls, emploi fréquent de notes suraiguës alternant avec des feulements graves, David Murray déborde de lyrisme, et reste toujours mélodique.

Le concert commence par "Sparkle", extrait du dernier album du quartet associé à une section de cordes, morceau dédié à Curtis Mayfield, sur une rythmique funky. D'emblée, on est séduit par la cohérence du quartet, et les chorus des musiciens placent la barre très haut. Suit " Flowers for Albert ", dont le thème évoque à merveille le caractère innocent des compositions du grand Albert Ayler, à qui le morceau est dédié, et qui est l'occasion pour David Murray d'explorer les possibilités du ténor, avec effets diphoniques , registre impressionnant et bien d'autres techniques repoussant les limites de l'instrument. Les deux morceaux suivants sont interprétés à la clarinette basse, le premier, "Banished ", présenté comme la musique d'un film à venir évoquant le racisme , " occupation favorite de beaucoup d'américains ", si j'ai bien compris les propos de David Murray. Sur cet instrument, David Murray semble plus sobre, et les effets de slap ne viennent pas altérer la sensibilité générale de l'interprétation. Les partenaires se révèlent à la hauteur du leader, le pianiste, Lafayette Gilchrist, prolixe évoquant souvent Mc Coy Tyner, le contrebassiste, Jaribu Shahid, avec une articulation très claire et des chorus remarquablement construits, et le batteur, Renzell Merritt efficace et original. C'est d'ailleurs bizarrement le batteur qui aura l'occasion d'affirmer son originalité aucours d'un échange de 4/4 particulièrement inventif avec David Murray lors du morceau ' Mister PC", que John Coltrane avait composé en hommage à son bassiste Paul Chambers. Tout au long du concert, David Murray décline tout aussi bien des morceaux récents, que quelques standards, mais aussi de nouvelles compositions pas encore enregistrées, et tout au long du concert, on traverse l'histoire du jazz américain. Mais attention, pas à la manière d'un catalogue. David Murray est imprégné de cette culture, il ne la visite pas en historien, mais vit intensément cette musique, et mêle en un son unique les éléments qui, successivement au fil des décennies ont fait l'histoire du saxophone ténor.

Le rappel fut un moment exceptionnel: tout d'abord "Hope/Scope", nouvelle composition impressionnante de liberté alternant de longues phrases jouées en souffle continu avec glissendo entre les notes, et d'autres phrases avec une articulation précise de chaque note. Ce morceau fut l'occasion pour chaque membre du quartet de s'exprimer dans un registre plus libertaire. Suite à ce déluge de sons , la ballade de Billy Strayhorn " Chelsea Bridge " concluait le concert par un grand moment de sensibilité, le ténor de Murray distillant, avec un son magnifique et un vibrato unique des émotions intenses.

Patrice Boyer, photos J.P. Cosset

lire l'article de Pierre Villeret pour Macao

 
 

.L'Ardennais 17 octobre
 
 
 

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photos Robert Huysecom