BIOGRAPHIE
Compositrice, auteur et arrangeur, actrice aussi, Elisabeth
Kontomanou est née en France, d’une mère grecque et d’un père
guinéen -disparus trop tôt. Elle évoque avec tendresse deux
souvenirs précis de sa petite enfance, qui démontrent à la fois la
précocité de sa vocation et l’importance que revêtirent très tôt à ses
yeux la musique et le chant -doux refuges, niches ouatinées,
délicieux outils de communication pour l’enfant qui, jusqu’à sa
troisième année, fut incapable de parler. A quatre ans donc, elle
découvre avec émerveillement la Callas (New-Yorkaise, d’origine
grecque aussi) sur le petit écran, qu’elle s’ingéniera par la suite à
imiter avec la candeur de son âge. Deux ans plus tard, la musique
de Stevie Wonder est un autre éblouissement, qui invite la jeune fille à la conscience de sa différence et de sa négritude dans un monde
qui lui apparaît désormais très blanc.
A cette époque, elle déteste l’école – qui le lui rend bien. Jusqu’à
l’adolescence, les étapes de sa vie seront alors rythmées par les
découvertes musicales, comme dans les meilleurs romans
d’apprentissage. L’acquisition d’un tourne-disques inaugure « ses » années Motown, où Diana Ross règne presque sans partage. A treize ans, un ami lui offre la possibilité
d’enregistrer : ce seront des chansons d’influence Rn’b. A seize ans, elle passe une petite annonce : la
jeune chanteuse cherche un orchestre. Puis Elisabeth Kontomanou, désormais choriste, fait une
troisième découverte qui va engager tout son avenir : Carmen McRae.
Le jazz entre en scène.
En 1980, les circonstances l’amènent à s’établir en Suède. Elle réside au beau milieu de la forêt, coupe
son bois pour se chauffer, mais un quatre-pistes fait ses délices, avec lequel elle compose des mélodies
aux saveurs « ethniques ». Six ans plus tard, l’urbanité se rappelle à son bon souvenir : Paris, fondation
du quartet « Conversation », victoire au Concours de La Défense, qui lui ouvre la porte des festivals de
jazz en France et lui offre la possibilité d’effectuer une tournée aux Antilles, grâce aussi Alain Jean-
Marie, rencontré peu après la compétition.
1988 voit le temps des rencontres (où se tissent les affinités électives) : le pianiste Jean-Michel Pilc,
rejoint bientôt par Thomas Bramerie, Pierre Dayraud et Stéphane Belmondo ; Michel Legrand, qui choisit
Elisabeth Kontomanou pour chanter le rôle principal de son film musical Masque de lune et qui l'engage également pour une série de concerts avec son bigband.
La voix prend son envol, séduisant d’autres contrées et d’autres âmes. En 1993, la sortie d’un premier
enregistrement produit par EMP prélude à des tournées en France, en Afrique du Nord et dans les pays
de l’Est. Deux ans plus tard, Elisabeth Kontomanou s’installe aux Etats-Unis. En terre promise, elle est
une des très rares vocalistes à jouer en tant que « side-woman », selon sa propre expression.
Ses
origines et le talent qu’elle manifeste dans l’art du « wordless » -dans la grande tradition de Milton
Nascimento et Flora Purim – séduisent les musiciens américains qui, à cette époque, se tournent de
plus en plus vers la « world music ». Elisabeth Kontomanou hante ces lieux mythiques où l’esprit du jazz
se renouvelle dans le culte jamais nostalgique de la tradition -The Blue Note, The Village Vangard,
Small’s Jazz… Elle s’y lie avec des personnalités (rapidement déterminantes) telles que Leon Parker,
Sam Newsome, James Hurt. (En citer d’autres, qu’on me pardonne, reviendrait à narrer toute la
chronique du New-York éperdu de jazz de ces années-là.)
Quelques faits encore, pour confirmer le voeu qu’avait fait à soi-même la petite fille qui
s’émerveillait du pouvoir de la musique. En 1998, Elisabeth Kontomanou est en tournée à
travers les Etats-Unis avec le groupe du pianiste Andy Milne. Entre 1999 et 2000, elle
enregistre deux albums pour le label Steeple Chase : « Embrace » en sextet avec J.D Allen
et Sam Newsome, « Hands & Incantation » en duo avec Jean-Michel Pilc. C'est durant cette
période qu'elle forme un octet appelé « The Fort Green Project » (du nom du quartier où elle
vivait à Brooklyn), pour lequel elle arrange et compose, en ignorant, mais sans dédain, les
instruments harmoniques. En 2001 et 2003, elle est sollicitée pour participer à deux
enregistrements du guitariste Mike Stern, « Voices » et « These Times ».
Entre-temps, elle
est nominée aux Django D'or pour « Embrace ». Elle fait ses débuts d'actrice en 2003, dans
le off-Broadway « RagTime », incarnant le personnage tragique de Sarah. Délicieuse
expérience qu’Elisabeth Kontomanou aimerait revivre. L’arc des émotions s’enrichit d’une
nouvelle corde.
Aujourd’hui est plein de promesses. Elisabeth Kontomanou forme en 2004 un duo avec le
percussionniste Ari Hoenig. Elle trouve dans cette alliance, inhabituelle pourrait-on croire,
des ferments de liberté autant que de contrainte -Callas n’aurait pas dit mieux. L’autodidacte
revendiquée, l’artiste qui a depuis longtemps cultivé l’art de l’improvisation, comme une
manière pudique de « contourner la mélodie », peut désormais aborder les standards en
toute sérénité.
Parus en 2004 et 2005 chez Nocturne, les albums « Midnight Sun » et « Waiting for Spring » en sont les témoignages éclatants. Pour donner un sens nouveau à
ces mots tant de fois entendus, elle sait compter sur le regard bienveillant de deux anges
gardiens : Ella Fitzgerald et Charles Mingus.
150 concerts et une Victoire de la Musique décernée en 2006 ( “Meilleure vocaliste jazz”) séparent le succès de "Waiting for Sprind " de "Back to my groove", album enregistré à Paris en décembre 2006. Un album très personnel qui, comme son titre l'indique, la ramène à la source. Dix années de rève, d'émotion et de réflexion afin d'écrire textes et musiques de ces chansons originales empreintes de blues et de soul... Entourée d'exceptionnels artistes français et américains, Elisabeth Kontomanou nous offre quelques années de sa vie en musique, et signe là un des plus beaux albums de la décennie.
En 2008, Elisabeth Kontomanou nous revient avec son cinquième album : Brewing the blues (Nocturne), enregistré en duo avec le pianiste Laurent Couthaliac. Un album intimiste où elle reprend des chansons des années 20 et 30, qui ont été d’abord chantées par des artistes qui ne sont jamais sortis de l’ombre, et qui ont été popularisées par Billie Holliday, Ella Fitzgerald et Louis Armstrong. Nouvelle réussite à son actif, l'album reçoit les louanges de toute la presse spécialisée.