Eric Legnini est devenu en
dix ans un des plus talentueux pianistes de la scène jazz internationale.
Après des études à New York avec Richie Beirach, il met son talent à
profit aux côtés des plus grands interprètes tels que Serge Reggiani,
Henri Salvador ou encore Claude Nougaro. Parallèlement, il devient le
fidèle compagnon de Stefano di Battista, Flavio Boltro ou encore Stéphane
Belmondo.
Pour son premier opus chez Label Bleu Eric Legnini s'est attaqué brillamment
au répertoire de Phineas Newborn. L'energie, la sensibilité et
l'intelligence harmonique du pianiste belge s'imposent. Sa sonorité
précise, la perfection de ses phrases, souvent vertigineuses, tout chez
lui exprime une personnalité un peu lunaire.
Accompagné d'une rythmique en béton, le batteur tout terrain Frank Agulhon
et le maître contrebassiste Rosario Bonnacorso, Eric Legnini trouve
enfin sa place de leader.
C’est au milieu des années 90 qu’on remarqua soudain, au sein du bouillonnant
quintet de Stefano Di Battista, ponctuant, enrichissant, attisant sans
relâche le discours volubile et enflammé du saxophoniste alto, un jeune
pianiste aussi discret que talentueux : Eric Legnini. Un style direct
et généreux trempé dans l’âme noire du piano jazz ; un phrasé riche,
à la fois raffiné et sensuel, toujours porté vers le chant, la voix,
la mélodie ; une aptitude au swing exceptionnelle, servie par une rigueur
et une sobriété dans la mise en place rythmique digne des grands maîtres
du hard bop.
Il ne fallut que peu de temps à Legnini pour s’imposer comme le régulateur
indispensable des humeurs de l’orchestre de Di Battista et devenir l’un
des sidemen les plus recherchés par les musiciens gravitant autour de
la rue des Lombards.
Dix ans ont passé depuis
cette irruption sur la scène internationale, dix années où le pianiste,
embarqué corps et âme dans un maelström de projets et de sollicitations,
n’a pas cessé un instant de mettre son immense talent au service des
autres.
Aujourd’hui, à 35 ans, Legnini, en pleine maturité stylistique, décide
enfin de sortir de l’ombre et signe, avec « Miss Soul », son premier
disque en leader sur un label français. L’occasion de révéler au plus
grand nombre un univers musical personnel riche, séduisant et parfaitement
original dans sa façon de multiplier les connexions entre tradition
et modernité, art savant et expression populaire. L’occasion de (re)découvrir
un grand musicien.
Eric Legnini est né en Belgique,
le 20 février 1970, à Huy, près de Liège, dans une famille d’émigrés
Italiens. Un père guitariste amateur, une mère cantatrice, professeur
de chant au Conservatoire municipal : le petit Eric est au piano dès
l’âge de six ans et passe son enfance entre Bach et Puccini — l’architecture
musicale portée à son plus haut degré d’abstraction incandescente et
l’âme mise à nu dans la voix humaine transfigurée par le chant…
Il lui faudra attendre le début des années 80 et la découverte d’un
disque d’Erroll Garner pour entr’apercevoir d’autres horizons musicaux,
notamment dans l’art du clavier… Doué d’une excellente oreille, il réinvente
au piano ces harmonies étranges saisies au vol et très vite se laisse
prendre aux sortilèges du jazz — Eric a trouvé là son langage. Débute
alors une intense période d’apprentissage. Avec la complicité d’un camarade
de conservatoire, le batteur Stéphane Galland, puis bientôt de Fabrizio
Cassol (deux musiciens qui bien des années plus tard seront à l’origine
du groupe expérimental Aka Moon) Eric Legnini, embrassant dans une même
soif de découverte toute l’histoire du jazz moderne et traditionnel,
se fait rapidement son petit panthéon personnel : McCoy Tyner pour l’intensité
dramatique, Chick Corea pour la lisibilité et la technique infaillible,
et Keith Jarrett pour ses conceptions révolutionnaires en matière de
relecture des standards.
Toujours en compagnie de Stéphane Galland, il monte ses premiers groupe
de jazz et de fusion, et dés le milieu des années 80 écume tous les
clubs de la scène belge en quête de jam sessions où s’aguerrir, tous
genres confondus… C’est là qu’il rencontre, en 1987, l’une des grandes
figures du jazz belge et européen, le saxophoniste Jacques Pelzer qui
l’invite à jouer avec lui en duo puis à rejoindre sa formation. Une
étape décisive et fondatrice qui oblige le jeune pianiste à approfondir
sa connaissance du répertoire des standards et le propulse d’un coup
au rang des sidemen les plus prometteurs de la jeune scène belge. Il
enregistre alors son premier disque en leader pour le label Igloo, «
Essentiels » et décide dans la foulée de partir étudier aux Etats-Unis.
On est en 1988, Eric a à peine 18 ans. Il restera deux ans à New York
— le temps de prendre le pouls très funky de la mégapole (c’est l’avènement
du rap de Public Enemy et Ice-T — l’autre grande passion de Legnini),
de grappiller quelques cours à la Long Island University auprès de Richie
Beirach, mais surtout de « faire le métier », sur le tas, en participant
chaque soir à des jam sessions homériques en compagnie de la fine fleur
du jeune jazz de l’époque (Vincent Herring, Branford Marsalis, Kenny
Garrett…). Très impressionné par le style précis et volubile de Kenny
Kirkland, Legnini comprend par son truchement l’importance décisive
d’Herbie Hancock dans l’histoire du piano jazz, et dés cet instant oriente
de façon radicale son jeu dans le sens de ce free hard bop moderniste
propre à l’esthétique Blue Note des années 60. C’est sous la double
influence de Kirkland et d’Hancock qu’Eric Legnini fait son retour en
Belgique en 1990.
Aussitôt nommé professeur de piano dans la section jazz du Conservatoire
Royal de Bruxelles, il retrouve Jacques Pelzer avec qui il enregistre
pour Igloo un nouveau disque, « Never Let Me Go », et dans la foulée
intègre l’orchestre de Toots Thielemans, accumulant à ses côtés, pendant
presque deux ans, concerts et tournées dans le monde entier. Multipliant
les projets tous azimuts (il commence dés cette période à travailler
énormément en studio pour des séances de funk, de rap et de musiques
électronique…), pilier incontournable désormais de la scène jazz belge,
Eric Legnini voit sa vie basculer en 1992 lorsqu’il rencontre dans un
club bruxellois, deux musiciens italiens, membres alors de l’ONJ de
Laurent Cugny, le trompettiste Flavio Boltro et le saxophoniste Stefano
Di Battista. L’entente est immédiate entre les trois hommes qui décident
illico de travailler ensemble. Pourquoi ne pas monter un groupe et aller
tenter sa chance à Paris ?
Fin 1993, c’est le grand saut. Di Battista et son orchestre partent
à la conquête de la Capitale. Un répertoire séduisant, résolument hard
bop ; une fougue, un talent et une joie de jouer particulièrement communicatifs
: il ne leur faut que quelques mois pour enflammer les esprits et gagner
leur pari. Aldo Romano les remarque, les prend sous son aile : le succès
est fulgurant. Un premier disque « Volare » en 1997 pour Label Bleu,
unanimement salué par la critique, finit d’établir ce tout jeune quintet
comme « le nouveau groupe dont on parle »… C’est un nouveau départ pour
Eric Legnini. Pianiste indispensable à l’équilibre du quintet (il demeurera
jusqu’à l’album « Round About Roma » (Blue Note) paru en 2003, le fidèle
compagnon du saxophoniste italien), Legnini voit rapidement sa réputation
grandir auprès des autres musiciens. Sollicité de toute part il débute
des collaborations de longue haleine avec les frères Belmondo, Eric
Lelann (« Today I Fell In Love ») ou encore Paco Sery (« Voyages »).
Très souvent associé au batteur André Ceccarelli, il devient par ailleurs
l’un des sidemen les plus recherché de la place de Paris, accompagnant
au Sunset ou au Duc des Lombards tous les grands musiciens de passage
dans la capitale (Enrico Rava, Joe Lovano, Mark Turner, Jean Toussaint,
etc.) et accumulant les enregistrements (pas loin d’une cinquantaine
à ce jour !). Apprécié en studio pour sa musicalité et son savoir-faire,
Legnini commence également dés cette époque à travailler comme directeur
artistique sur un certain nombre de disques de variété — activité qui
trouvera son apothéose en 2004 avec non seulement la co-réalisation
de l’ultime opus du grand Claude Nougaro, « La note bleue » (Blue Note),
mais la production sous le pseudonyme de Moogoo au sein du collectif
Anakroniq, du premier disque de la jeune révélation r’n’b « made in
France », Kayna Samet, « Entre deux Je » (Barclay), travail très raffiné
concrétisant à la fois son amour des voix et de la musique noire (soul,
hip hop)
.
Très remarqué pour sa participation active au disque « Wonderland »
(B Flat) des frères Belmondo (primé « meilleur album jazz français »
aux Victoires de la musique 2005), ainsi que pour son travail de réalisation
sur le dernier disque de Daniel Mille « Après la pluie » (Universal
Jazz), Eric Legnini est aujourd’hui non seulement l’une des valeurs
sûres du jazz européen, mais l’un des artistes les plus actif, productif
et éclectique du petit monde musical parisien.
Pour son premier disque en leader pour un label français, c’est riche
de toute son expérience de sideman et de producteur que Legnini fait
retour à l’épure toute classique du trio en compagnie des contrebassistes
Rosario Bonaccorso et Mathias Allamane et du batteur Franck Agulhon.
A partir d’un répertoire choisi, mêlant habilement compositions originales,
standards (plus ou moins célèbres !) et chanson pop re-songée (Björk),
Legnini plonge résolument au plus intime d’une tradition proprement
afro-américaine du piano jazz portée à son plus haut degré de perfection
par des musiciens comme Junior Mance, Ray Bryant, Les McCan ou encore
Phineas Newborn auquel ce disque rend continuellement hommage. Une musique
directe, chaleureuse, gorgée de swing et de gospel, qui sans passéisme
ni nostalgie, célèbre la modernité intemporelle du jazz.