Jeudi 7 Février 2013
Auditorium CRD
CHARLEVILLE-MÉZIÈRES
FABRICE ALLEMAN
"OBVIOUSLY" QUARTET
photo Michel Renaux
Fabrice Alleman : saxophones & compositions
Nathalie Loriers : piano, Fender Rhodes
Reggie Washington : basse, contrebasse
Lionel Beuvens : batterie
C'est un quartet bien rôdé par les nombreux concerts qui ont précédé l'enregistrement du tout récent "Obviously" que nous a présenté Fabrice Alleman.
Ce qui frappe d'abord, c'est la grande cohésion de ce groupe qui la joue avant tout collectif, et ne se perd pas dans une suite de chorus successifs de chacun des musiciens. Pourtant ceux-ci ont l'étoffe de leaders et de solistes qu'ils sont par ailleurs.
De Fabrice Alleman j'avais le souvenir, vieux de quelques années, d'un son extrêmement maîtrisé. Si la maîtrise est toujours là, le son a pris du grain, de l'épaisseur, et s'il est un peu moins clean que dans mon souvenir, il est à coup sur révélateur d'un supplément d'âme et de cœur. Et le son n'est rien sans le phrasé, et à coup sûr, celui de Fabrice Alleman est riche, complexe, en perpétuel recherche de l'inédit, loin des clichés.
Voilà pour l'instrumentiste, qui se révèle aussi un compositeur original, auteur de la totalité des morceaux, si l'on excepte la pièce d'introduction jouée à la clarinette basse, "Sister Chery", signée Tony Williams, nouvelle preuve d'un goût sûr. On navigue aux confins du jazz et d'un funk léger, avec une une incursion réussie dans la musique celtique lors du rappel.
Une superbe ballade dédiée à son enfant, "Hope for the world", trouve sa place entre des compositions plus énergiques. Fabrice Alleman introduit ou conclut certains morceaux en chantant de manière convaincante, dialogue avec une complicité évidente avec ses musiciens, et quels musiciens : Nathalie Loriers, alternant piano acoustique et Fender Rhodes, au phrasé délicieux, Lionel Bowens, d'une finesse rare, et doté d'un toucher et d'un son exceptionnel, et Reggie Washington, d'une suprême élégance (et je ne parle pas ici du col blanc et des chaussettes !). Ce raffinement vestimentaire est à l'image de son jeu, tant à la contrebasse qu'à la basse électrique.
Avec de tels partenaires, Fabrice Alleman peut avec une sérénité non dénuée d'humour dérouler ses chorus enchanteurs, au ténor, mais surtout au soprano. Le groupe le suit dans les sinuosités de son discours, le batteur Lionel Bowens se montrant par exemple capable de jouer avec un mimétisme étonnant le phrasé rythmique du saxophone lors d'un passage pourtant complexe, Nathalie Loriers apportant ses harmonies, ses couleurs et quelques beaux chorus, et Reggie Washington son groove très sûr et serein. Si les sidemen se sont montrés un peu réservés lors des chorus, ceux-ci furent toujours d'une grande qualité, loin des bavardages futiles, toujours au service des compositions et loin des démonstrations personnelles.
Bref, un bien beau concert d'un artiste mature et serein à la tête d'une magnifique formation : on en redemande.
Longue vie à cet "Obviously Quartet "!
Patrice Boyer