Jeudi 21 Mai 2015
Auditorium CRD
CHARLEVILLE-MÉZIÈRES
GAËL HORELLOU QUARTET
invite
LIONEL BELMONDO
Gaël Horellou : saxophone alto, composition
Etienne Deconfin : piano
Viktor Nyberg : contrebasse
Antoine Paganotti : batterie
Lionel Belmondo : saxophone ténor
SAXOPHONES COLOSSUS !
Il faut reconnaître que la programmation de CAJ fait la part belle au jazz européen et aux musiques connexes, et finalement assez peu au jazz d'inspiration afro-américaine. Le concert du jeudi 21 mai remettait un peu les pendules à l'heure puisque nous avons assisté pendant près de deux heures à la démonstration de la magnificence de cette musique. Dès la présentation Gaël Horellou affiche son ambition de rendre hommage aux grands noms du jazz américain, et attaque avec une composition de René Mc Lean, le fils du grand Jackie Mac Lean. Et ça démarre fort : les voix des deux saxophones emmêlent leurs volutes avant de présenter le thème, soutenus par une rythmique super efficace. Les harmonies de l'alto d'Horellou et du ténor de Belmondo sont magnifiques, ce qui se vérifiera sur tous les thèmes du répertoire. Dès ce premier morceau, Lionel Belmondo montre qu'il ne limitera pas son rôle à celui d'invité de prestige : totalement investi dans la musique, il va au contact de ses partenaires, se plaçant tour à tour face à eux pour les pousser dans leurs retranchements et les encourageant de la voix pendant leurs chorus. Gaël Horellou, saxophoniste lui aussi hyper généreux dégage une énergie folle et développe des chorus d'un lyrisme échevelé. Chaque musicien montre à tout moment le plaisir de partager cette musique qui se joue dans une interactivité constante. Suivent d'autres thèmes du même tonneau, "Clifford Jordan", "Jackie Mc Lean", "Roy", compositions de Gaël Horellou rendant hommage à ces géants du jazz américain qui lui ont inspiré ce répertoire.
Lionel Belmondo est physiquement très présent, adoptant des postures "rollinsiennes", saxophone tenu à bout de bras, pavillon pointant le ciel, allant d'un musicien à l'autre pour partager son énergie, rarement face au micro, mais dégageant un son énorme. Le pianiste Etienne Deconfin est une belle découverte, tant dans ses accompagnements que dans ses solos au cours desquels il évoque parfois Mac Coy Tyner par l'énergie qu'ils développent. Antoine Paganotti est lui aussi magnifique.Tout en finesse pendant l'exposé des thèmes, il fait peu à peu monter la pression et explose littéralement lors des 4/4 impressionnants avec Gaël Horellou et Lionel Belmondo. Quant au contrebassiste Viktor Nyberg, il assure avec une calme assurance ces tempos d'enfer, et au cours des morceaux les plus calmes, nous offre quelques chorus d'une grande beauté. Parce qu'il y a quand-même eu quelques passages moins axés sur la dynamique : "Berchida's Song", belle ballade évoquant un lieu cher à Gaël Horellou, et "Palace Special", un blues joué en fin de concert, prétexte à des échanges très riches entre les musiciens, avec des montées en puissance et des reprises inattendues. On retiendra, outre la générosité et l'excellence des musiciens, le plaisir évident qu'ils affichent tout au long du concert et qu'ils partagent avec une audience ravie.
En rappel, "Saint Leu", très beau thème avec son exposé à deux voix, va encore une fois ouvrir l'espace pour des chorus d'une folle énergie. Gaël Horellou remercie Lionel Belmondo et celui-ci lui rend la politesse en demandant au public d'applaudir ce saxophoniste "unique" dans le monde du jazz hexagonal.
C'est donc sous une ovation que les musiciens quittent la scène. Ils ont joué deux heures durant et ont donné tout ce qu'ils pouvaient donner.
Patrice Boyer