Jean-Marie Machado : piano
Didier Ithursarry : accordéon
Comment rendre compte d'un concert si intime et si sensible ? On a juste envie de dire que c'était exceptionnel : deux instrumentistes qui ne font jamais étalage de leur technique, mais la mettent au service de compositions travaillées si longuement ( de nombreux concerts en amont ! ), qu'ils peuvent les interpréter avec une aisance et une liberté confondantes.
Les deux musiciens se partagent les compositions, un peu plus du côté de Machado sûrement, mais bien malin qui saurait les attribuer à leur créateur. Des morceaux entraînants où ils font preuve d'une incroyable maîtrise technique alternent avec des ballades sensibles à fleur de peau, "sous l'éclairage intime de la lune", des couleurs variées parfois empruntées à un traditionnel portugais, parfois nous entraînant dans des tourneries orientales, mais évoquant aussi la musique classique qui est leur culture de base. D'ailleurs ils revisitent un Nocturne de Chopin en en changeant la tonalité et en l'emmenant dans des territoires inconnus, et l'une des compositions de Didier Ithursarry s'intitule J.S.B. Il la dédie à une personne du passé qui l'accompagne toujours...Pas difficile de deviner!
Jean-Marie Machado, qui fut le premier invité de Charleville Action Jazz avec le Trio Machado en juin 1990, rappelle en entrant en scène qu'il est aussi venu en solo, en duo avec le saxophoniste Andy Sheppard, et avec sa moyenne formation "Danzas" pour un hommage à Boby Lapointe. Et lorsqu'il dédie "No Church But Songs" au regretté batteur/chanteur Jacques Mahieux, autre fidèle de Charleville Action Jazz, on se sent un peu en famille... D'ailleurs, la manière très chaleureuse et simple de présenter les morceaux crée une proximité permettant encore mieux d'apprécier la complicité entre les musiciens qui jouent réellement ensemble, que ce soit dans l'exposé de thèmes extrêmement complexes où leur maîtrise instrumentale est infaillible, ou lors d'échanges au cours desquels les cordes frappées de l'un et le souffle des multiples hanches de l'autre mêlent leurs voix, sans jamais s'opposer...
Il faudrait parler du toucher de Jean-Marie Machado, de la manière dont Didier Ithursarry peut faire pleurer son instrument sur les ballades, il faudrait évoquer les compositions aux titres évocateurs : Lezanafar, Santourni, Aspirer la Lumière, Sentier Evanoui, Vuelta, Lua, mais rien de tout ceci ne rendrait justice à la musique. Alors le mieux, pour prolonger le plaisir du concert, est de se procurer le cd "Lua", et de s'immerger dans cette musique qui, écoute après écoute, révèle toute la richesse dont les mots ne sauraient rendre compte.
Patrice Boyer