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Vendredi 15 mars 2024
Auditorium Conservatoire Ardenne Métropole
CHARLEVILLE-MÉZIÈRES
PIERRE DE BETHMANN TRIO
photo André Henrot
Pierre de Bethmann : piano
Sylvain Romano : contrebasse
Nelson Veras : guitare
Il s'en est passé du temps depuis la première visite de Pierre de Bethmann avec le trio PRYSM en 1996 ! Un certain nombre d'années qui n'ont pas émoussé la formidable énergie du pianiste. Il présentait cette fois encore un trio, mais une formule bien différente : piano/contrebasse/guitare, celle-là même qui enregistra le très beau volume 5 de la série "Essais" que Pierre de Bethmann consacre à des relectures de standards, de chansons, de musiques de films...
C'est donc en compagnie du guitariste Nelson Veras et du contrebassiste Sylvain Romano que Pierre de Bethmann investit la scène de l'Auditorium du CRD pour un concert acoustique, si l'on excepte les amplis pour la guitare et la contrebasse. Le répertoire est sensiblement celui du disque, auquel s'ajoute un fort bel hommage à Sylvain Luc dont l'annonce du décès la veille avait bouleversé toute la communauté du jazz hexagonal.
Notons le contraste entre les attitudes de Pierre de Bethmann, comme à son habitude très expressif, et Nelson Veras, concentré sur son instrument, fort peu mobile, toujours à l'écoute de ses partenaires. Entre les deux Sylvain Romano affiche un bonheur visible, et une belle assurance qui lui permet de fournir à ses partenaires une assise propice à tous les développements.
Pierre de Bethmann explique sa démarche : si le répertoire est consacré à des reprises, c'est pour mieux les transformer au gré de l'inspiration harmonique et rythmique des musiciens, au risque de parfois dérouter le public qui reconnaît un air connu au détour d'une phrase musicale qui l'emmène ailleurs. Sensation d'autant plus forte quand le prétexte n'est pas le standard lui-même, mais l'interprétation qu'en fit un musicien moderne, comme Lee Konitz... A côté de ces morceaux rendant hommage à de grands noms du jazz comme Cole Porter, René Urtreger, ou John Taylor, on reconnaît la musique d' "Un Singe en Hiver", signée Michel Magne, et en rappel le deuxième mouvement de la 7ème Symphonie de Beethoven.
La formule du trio sans batterie permet une forme d'intimité qui donne une autre couleur aux morceaux, l’entrelacement des cordes de la guitare et de la contrebasse offrant un contrepoint d’une grande douceur au jeu du pianiste, qui semble souvent suspendu, moins souvent saisi par la frénésie gourmande qui le caractérise. ( merci Citizen jazz à qui j'ai piqué la formule! )
Si Nelson Veras affiche une attitude assez introvertie, cela ne l'empêche pas de lancer des phrases véloces avec le phrasé limpide qui le caractérise, dialoguant avec le piano, ou doublant une mélodie à l'unisson... Sylvain Romano s'échappe parfois de son rôle de soutien pour nous offrir quelques courts mais splendides chorus.
On sent le trio uni par de nombreux concerts, et cette complicité, liée à la parfaite connaissance des traditions musicales, permet aux musiciens de dialoguer en toute liberté avec un bonheur visible qu'ils partagent avec un public ravi. Un grand merci à eux!