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Jeudi 4 Avril 2019

 Auditorium Conservatoire Ardenne Métropole
CHARLEVILLE-MÉZIÈRES

Sébastien Texier/Christophe Marguet Quartet
"For Travellers Only"

photo André Henrot

Sébastien Texier : saxophone alto, clarinette
Christophe Marguet : batterie
François Thuillier : tuba
Manu Codjia : guitare  

La première fois que CAJ a invité Christophe Marguet à Charleville-Mézières, c'était en 1997, peu après la sortie de "Résistance Poétique", enregistré en trio avec Olivier Sens, et déjà Sébastien Texier. Depuis, les deux hommes ont collaboré à de nombreux projets, notamment avec Henri Texier. C'est peu dire qu'ils se connaissent parfaitement, et qu'il y a entre eux une communauté d'esprit évidente, au point de se partager le leadership de ce très beau quartet bicéphale. Pour le compléter, ils ont fait appel à Manu Codjia, guitariste capable de s'adapter à de nombreux contextes, sans jamais perdre de sa personnalité, et à François Thuillier dont la virtuosité au tuba n'est plus à démontrer... Un quartet de haut vol donc, avec une instrumentation inédite. Le tuba apporte une rondeur, une chaleur inhabituelle, et la guitare aux riches harmonies une couleur, une variété de climats, au gré des compositions. Celles-ci, signées alternativement par Sébastien Texier et Christophe Marguet entraînent les auditeurs (sûrement incapables de deviner qui a écrit les morceaux), dans un voyage dont les étapes sont autant de découvertes.

Les quatre compères étant des solistes exceptionnels, on a droit à de redoutables chorus et à de savoureux dialogues. Christophe Marguet, au groove impressionnant, explose sur une composition de Sébastien Texier. Celui-ci peut être très volubile, avec des accents coltraniens, rares sur un saxophone alto, mais aussi très émouvant sur les thèmes lents. Sur "Cinecitta", il troque l'alto pour une clarinette dont la sonorité fait merveille avec le tuba. Une superbe mélodie à l'italienne, que Christophe Marguet regrette de ne pas'avoir composée lui-même. La politesse lui est rendue peu après... Manu Codjia nous délivre quelques chorus d'anthologie, que ce soit sur tempo lent, (comme sur ce "Cinecitta"), ou sur des morceaux explosifs. On comprend pourquoi les jazzmen français se l'arrachent ! Quant à François Thuillier, il est présent sur tous les fronts, présentant un thème en solo ou à l'unisson avec le saxophone et la guitare, ("The same but Different"), assurant les fondations de l'édifice, tout en virevoltant tout en légèreté, beau paradoxe pour cet instrument pachydermique. Son chorus sur "Hurry up" est époustouflant de musicalité et de virtuosité. Reste Christophe Marguet, batteur de rêve : s'il s'accorde quelques débordements extatiques, c'est toujours et avant tout au service de la musique. Son intervention sur " Hurry Up" force l'admiration, développant un discours volubile sur un petit ostinato tenu pas ses compagnons.

Outre cette couleur sonore très originale due à l'instrumentation, on retiendra une grande cohésion et une sensation d'unité, malgré l'alternance de compositions de l'un ou de l'autre, souvent chargées d'émotion. Une musique sur laquelle souffle un vent de liberté, tout en privilégiant des mélodies poignantes ("Migrants") et des thèmes entraînants d'une grande rigueur d'écriture. Une musique à la fois ancrée dans l'histoire du jazz et tournée vers l'avenir qui a fait le bonheur du public carolo-macérien. On en redemande, ils reviennent avec un hommage à Eddie Harris bien groovy, pour boucler un voyage plus qu'agréable.
Patrice Boyer