Rémy POULAKIS : accordéon et chant lyrique
Francesco CASTELLANI :
trombone et chant
Philippe EUVRARD :
contrebasse
Pour le premier concert de la saison, Charleville Action Jazz invitait le très atypique Trio Barolo. En effet, existe-t-il une autre formation associant accordéon, contrebasse, trombone et chant lyrique autour d'un répertoire évoquant souvent le bassin méditerranéen ? Jazz, Musique du monde, chanson traditionnelle italienne, opéra, valse musette... tous ces genres se marient dans des compositions originales pour la plupart de la plume de Philippe Euvrard, mais aussi du tromboniste Francesco Castellani.
Celui qui attire immédiatement l'attention, c'est l'accordéoniste flamboyant Rémy Poulakis, capable de susciter l'émotion en faisant pleurer son instrument, puis de partir dans des improvisations follement virtuoses, tout en restant toujours chantantes. D'ailleurs, il double fréquemment ses notes d'une voix étonnante, couvrant un registre impressionnant, avec une diction très précise, chaque note se détachant clairement quel que soit le tempo.
Francesco Castellani chante aussi, de la voix parfois, interprétant des airs italiens, mais surtout par le biais d'un trombone toujours mélodieux, avec un son d'une splendeur de velours, l'une des plus belles sonorités que l'on puisse entendre aujourd'hui.
Quant à Philippe Euvrard, s'il est avare de ses notes, il procure une assise solide aux chants de ses partenaires. Principal compositeur du groupe, c'est un mélodiste d'exception, et croyez-en mon expérience personnelle, certaines de ses compositions restent gravées dans la mémoire. S'il est souvent discret, c'est visiblement lui le véritable pivot du Trio Barolo. Il se permettra tout de même une belle introduction en solo à l'archet, avec quelques boucles doublant son somptueux son de contrebasse.
C'est souvent lui qui présente les morceaux avec le soutien occasionnel de Francesco Castellani. Un répertoire qui nous emmène de l'Italie au Magreb, avec un détour inattendu par le Brésil. Si les premiers morceaux sont issus d'un premier album malheureusement épuisé, beaucoup d'autres sont issus de "Cosa Nostra", enregistré en 2016. On y trouve également une composition de Philippe Petrucciani, "Mike P", nom que Bill Evans avait conseillé à Michel Petrucciani pour conquérir le public américain. Rémy Poulakis en profite pour donner un aperçu de sa voix de ténor, avant de scotcher le public en interprétant "E lucevan le stelle" de Puccini d'une voix évoquant les grands noms du genre. Pas étonnant lorsque l'on sait qu'il fait également carrière dans le monde lyrique, mais surprenant dans le monde du jazz.
Passant de la nostalgie à des élans d'euphorie, le répertoire entraîne le public dans un véritable voyage. La communion qui unit les trois musiciens se communique à un auditoire visiblement conquis. Le second rappel donne la part belle au thème du Parrain au cours duquel la voix de Remy Poulakis fait encore merveille, habillée par le trombone de Francesco Castellani...
Un grand moment de musique et pour beaucoup la découverte d'une formation bien originale, beaucoup plus connue dans le sud de la France que près de la frontière belge. Il est temps que ça change !
Patrice Boyer