Une scène presque nue: une chaise et un ampli de guitare pour Nelson, un tabouret, un micro, un pupitre et un retour pour Airelle, des éclairages rudimentaires pour un concert sans artifices.
Le duo d'Airelle Besson et Nelson Veras se veut intime, proche du public. Les musiciens partagent même avec les auditeurs leurs hésitations quant à l'ordre des morceaux. Musicalement, le concert est bien sûr très au point après une quarantaine de prestations qui ont mené la trompettiste et le guitariste à travers le monde. Mais d'un autre côté on sent les deux musiciens à l'écoute l'un de l'autre, prêts à prendre des risques, à rebondir sur quelques notes lancées par l'un ou l'autre. À ce jeu, Nelson Veras excelle. Il prend très peu de véritables chorus, mais habille la trompette d'Airelle de ses arpèges aux harmonies sophistiquées, saisit au passage une petite phrase d'Airelle pour mieux la relancer dans une autre direction ou relancer le dialogue.Les regards et les sourires échangés témoignent du plaisir qu'ils prennent à ce petit jeu. Les deux musiciens se partagent le rôle rythmique, la trompette jouant des ostinatos pendant que la guitare extrapole avant que les rôles ne s'inversent. De ce va et vient permanent émergent les très belles compositions, la plupart écrites par Airelle Besson, si l'on excepte deux thèmes de Nelson Veras, un de Kenny Wheeler, un autre de Jobim et un standard : "Body and Soul". La trompette d'Airelle Besson possède à la fois un son feutré et chaleureux et des éclats cuivrés et brillants, plus affirmé peut-être que sur le disque "Prélude" salué unanimement par la critique. Airelle mène ce duo avec une force tranquille qui permet à la musique de vagabonder librement sans jamais se perdre. Le Brésil est bien sûr présent dans la guitare de Nelson Veras, mais, pour citer Télérama, "Un Brésil tout intérieur", comme une évocation poétique et lointaine de son pays natal. De cet échange plein de tendresse entre les deux musiciens naît une musique faussement tranquille qui entraîne les auditeurs dans un voyage immobile.
Après un dernier morceau, justement intitulé " Time to say Goodbye ", le public en veut plus. Il aura droit à deux rappels, l'un d'entre eux permettant à Nelson Veras de nous offrir son plus long chorus de la soirée et de démontrer, si besoin en est, qu'il est l'un des plus fins guitaristes de la jazzosphère. Quant à Airelle Besson, elle a confirmé ce soir que sa nouvelle notoriété et les prix qui lui furent attribués en 2015 sont largement mérités.
Patrice Boyer