Benjamin Moussay
présentait à Charleville le répertoire de son disque
Swimming-Pool, à quelques exceptions près. Il a beaucoup
été écrit, à propos de cet enregistrement
encensé par la critique, que la présence du batteur Éric
Echampard dynamitait le jeu du pianiste, et donnait une direction nouvelle
à ce trio pianistique. Cela s'est vérifié à
Charleville, même si l'on ne peut douter un instant qu'il s'agit
là du choix de Benjamin Moussay. Toujours est-il qu'Éric
Echampard tient une place capitale dans cette formation, et que de plus,
sa présence sur le devant de la scène, son jeu énergique
et précis, sa gestuelle captivante, et le fait que Benjamin était
un peu caché derrière ses claviers aurait pu faire oublier
qui était le véritable leader du groupe.
Le concert, comme le disque, débute par "Lost Valley",
une composition de Benjamin Moussay, qui montre à l'évidence
la cohérence du groupe. Arnault Cuisinier alterne pizzicato et
archet avec réussite, Echampard est impérial, et Benjamin
Moussay est très énergique et inventif au piano. En ce
début de concert, j'ai été moins convaincu par
son utilisation de l'électronique. Il faut dire à sa décharge
qu'il n'avait pas de Fender Rhodes à disposition, mais un ensemble
de synthétiseurs et capteurs divers, ce qui est peut-être
la raison de quelques petits flottements qui ont quelque-peu relâché
la tension. Heureusement, le piano acoustique reste le plus utilisé,
avec aisance et brio, et lorsque quelques morceaux plus tard, il attaque
"Not so Hard ", l'utilisation de l'électronique trouve
un véritable intérêt, et se marie parfaitement aux
autres instruments, ce qui sera le cas jusqu'à la fin du concert.
Il faut saluer le compositeur de mélodies savantes, orchestrées
avec intelligence. Arnault Cuisinier apportera sa contribution avec
un très beau morceau "Ad Libitum ", et nous aurons
droit également à des versions passionnantes de "Il
Pleure Dans Mon Coeur", sublime mélodie de Debussy, et de
" Manon " , de Gainsbourg ( en solo ). Ce qui éclaire
d'avantage l'inspiration de Benjamin Moussay. Si l'on ajoute qu'il dédie
un morceau au chanteur d'AC/DC, on sera d'autant moins étonné
du côté " pop song " de certaines compositions.
On a souvent comparé ce trio à EST ( Esbjorn Svennsson
Trio ). Les seuls véritables points communs sont l'esprit de
groupe, l'ouverture sur des musiques actuelles, et le plaisir à
jouer. Les ballades alternent avec les morceaux permettant au groupe
d'exprimer sa démesure (" Laya Del Carmen Mexico ",
"Les Ingénus "), propulsés par la batterie tellurique
d'Eric Echampard, permettant aux claviers de Benjamin Moussay et à
l'archet de Arnault Cuisinier de nous offrir quelques envolées
mémorables. Bref, de grands musiciens au service d'une belle
musique, et un groupe à qui on souhaite longue vie et succès.
Patrice Boyer