Jeudi 15 Octobre 2015

 Auditorium CRD
CHARLEVILLE-MÉZIÈRES

Jérôme Sabbagh Quartet


photo André Henrot

Jérôme Sabbagh : saxophone ténor, composition
Ben Monder :  guitare
Joe Martin : contrebasse
 Mark Ferber  : batterie

Ce quartet, on l'attendait depuis 3 ans, sans pouvoir caser à Charleville-Mézières une date correspondant aux disponibilités des musiciens en France. C'est donc avec beaucoup de plaisir que nous avons accueilli Jérôme Sabbagh et ses compagnons, d'autant plus qu'une masterclasse était également au programme le samedi 17 octobre. (voir compte-rendu )

Le quartet de Jérôme Sabbagh, auteur de 3 superbes albums ( North en 2004, Pogo en 2007 et The Turn en 2014 ) s'est présenté en version acoustique ( sans sonorisation ), et dans une version légèrement différente, l'excellent Mark Ferber remplaçant le batteur Ted Poor, retenu sur une autre tournée.
Ce qui frappe d'abord, c'est la cohésion du groupe. Les compositions de Jérôme Sabbagh mettent en avant la mélodie, mais il ne faut pas se fier à leur apparente simplicité : si le son du saxophone, chaud et sans aspérités, évoque les grands classiques, on sent également que le saxophoniste fréquente les clubs new-yorkais où se joue un jazz résolument contemporain, les thèmes et les rythmes n'étant pas étrangers à une certaine pop musique. Volontiers accrocheurs, les morceaux séduisent l'oreille avant d'aller se promener dans un registre plus aventureux. Et puis il y a le phénomène Ben Monder, qui habille ces compositions d'harmonies insoupçonnées. Totalement concentré sur sa guitare, il surprend par la fluidité de son jeu, enchaînant les accords les plus complexes avec une aisance déconcertante, enveloppant les notes du saxophone d'arpèges savants. Même ses chorus sont harmonisés, grâce à une technique irréprochable et une main gauche associant médiator tenu entre le pouce et l'index, et les trois autres doigts pour griffer les accords. Avec un pareil soutien, Jérôme Sabbagh ne joue pas la surenchère : il choisit ses notes, pose le son du saxophone, pour mieux nous raconter son histoire. Chez lui, rien n'est gratuit, chaque phrase est sentie et parfaitement maîtrisée. La rythmique n'est pas en reste, elle soutient les solistes, et s'insinue entre eux, variant les relances, réinventant en permanence la pulsation. Joe Martin et Mark Ferber sont des maîtres, et donnent toute sa cohérence au quartet .

Le répertoire, composé de morceaux issus des trois albums du quartet, alterne ballades et thèmes plus rythmés. Débutant par le titre éponyme du dernier album "The Turn", il se termine en beauté avec " Hymn", magnifique mélodie issue du premier enregistrement "North", jouée en rappel avec une économie rare : pas une note de trop, un jeu avec le silence : l'apanage des grands !

Patrice Boyer