Mardi 17 mai 2011

Auditorium du C.R.D.
CHARLEVILLE-MEZIERES

JOHN LAW TRIO


photo Michel Renaux

JOHN LAW : piano

YURI GOLOUBEV : contrebasse

ASAF SIRKIS : batterie

John Law Trio

On n'était pas loin d'afficher complet mardi soir à l'Auditorium du CRD pour le concert de John Law Trio. Il faut dire que ce pianiste anglais, presque inconnu en France, était présenté comme un musicien de la trempe d'Esbjorn Svensson et de Brad Meldhau, beau voisinage s'il en est, et que la présence à ses côtés d'un batteur israélien et d'un contrebassiste russe éveillait aussi la curiosité.
Bien peu de monde dans le public a regretté d'être venu ( parfois d'assez loin ). La découverte ( pour beaucoup ), fut de taille : un pianiste exceptionnel, mais aussi un groupe soudé. Les compositions les plus énergiques sont traitées d'une manière assez "pop", les ballades regorgent d'émotions, et si influences il y a, il faut aussi aller les chercher du côté de la musique classique, sans qu'il y ait jamais de citation : telle ligne de basse jouée au piano peut rappeler Bach, mais c'est la gestuelle de John Law, et surtout sa manière de faire sonner le piano qui témoignent de son passé de concertiste "classique". On est pourtant loin de la rigueur d'une partition : l'improvisation et la prise de risques constantes nous rappellent aussi que John Law, dans les années 90, pratiquait un jazz très libertaire.

On tient peut-être là les ingrédients qui font la musique actuelle du trio de John Law : culture classique, improvisation et prise de risques, et rythmes parfois binaires, dans la mouvance d'Esbjorn Svensson, mais aussi de "The Bad Plus ", soit une manière très actuelle de traiter les compositions. John Law présente le dernier morceau en s'excusant presque de n'avoir pas joué de compositions vraiment jazz ou swing : il va y remédier avec ce morceau intitulé "Swazz". Mais si l'exposition du thème et les premières improvisations "balancent" gentiment, très vite la puissance du trio reprend le dessus et l'on s'éloigne à nouveau des sentiers battus.

Le batteur Asaf Sirkis, très présent et souvent très énergique, possède une frappe puissante et précise. Il utilise un riche jeu de cymbales, et aussi pour un morceau, un glockenspiel lui permettant de doubler la mélodie jouée par le piano.

Le contrebassiste russe Yuri Goloubev développe à l'archet un très beau son rappelant à l'évidence qu'il est aussi un interprète recherché en musique classique, mais possède également un groove puissant, et un sens mélodique certain lors des chorus qu'il développe avec une aisance qui trahit une technique phénoménale.

Quant à John Law, quel pianiste ! Il nous a surtout montré les limites ... du piano du conservatoire. On aimerait l'entendre sur un Steinway Grand concert ! Le Petrof a donné ce qu'il pouvait, et ce fut déjà grandiose : virtuosité, frappe incisive, roulement de basses, arpèges savants ... , le tout avec une qualité de son que seuls les plus grands possèdent.
John Law utilise aussi avec parcimonie des effets électroniques modifiant la sonorité du piano, et permettant une plus grande amplitude dynamique. Quelques rares lignes au synthétiseur, à l'occasion un rythme programmé sur lequel vient se greffer le piano, ajoutent une couleur actuelle. L'utilisation ponctuelle de polystyrène ou d'une serviette posée sur les cordes permet de donner à certains morceaux une sonorité encore différente.

Reste à évoquer les compositions : à l'image de leurs titres énigmatiques, elles sont d'une profonde originalité et témoignent de la richesse du parcours de John Law, non seulement musical, mais aussi d'un cheminement spirituel que l'on devine essentiel ( * ), ce qui n'exclut pas un certain sens de l'humour.

Des grands musiciens, et un grand moment de musique !

Patrice Boyer

* John Law a publié en 1998 "Chants" , une série de 4 cds enregistrés en solo, témoignant de sa fascination pour le plain-chant, genre musical sacré et vocal de la période médiévale.

lire l'interview exclusive de John Law