Pour ce concert en trio, le pianiste a puisé dans
les répertoires de " Miss Soul " et de " Big Boogaloo " ses deux derniers
albums. Comme pour ceux-ci, il explore, avec à ses côtés Fabrice Allamane
et Franck Agulhon, section rythmique de choc s'il en est, le répertoire
hard bop et soul, avec une référence non dissimulée au pianiste Phineas
Newborn. Hard bop, gospel, soul, rythm & blues sont en effet bien
là, l'ombre de Bobby Timmons plane sur la salle, et à l'exception
de l'introduction très " evansienne " de la " Strada ", hommage à
Fellini, le concert n'a pas dérogé à ce répertoire. Le " soul " était
bien là. On a vite compris que rien ne serait surprenant ce soir-là,
mais c'est justement à cet instant précis que le plaisir a commencé
à naître. À ce moment-là, il était déjà trop tard, on aurait bien
voulu pouvoir faire la fine bouche, se dire que ce n'était pas original,
que c'étaient là de bien vieilles choses qui ne sont plus intéressantes
que sur de biens vieux disques, mais non, rien à faire : on s'est
fait avoir. À notre décharge, il faut reconnaître que la virtuosité
d'Éric Legnini, sa maîtrise de ces facettes de ce jazz est impressionnante
et que ces accompagnateurs respectent parfaitement cet univers, tout
en apportant malgré tout leur " patte " personnelle. Pour être tout
à fait franc : ce fût un plaisir. Peut-être celui d'écouter magistralement
joué en " live ", par un expert du genre, les musiques de ces disques
mythiques des catalogues Blue Note et Atlantic que j'aime tant et
qui font désormais partie d'un passé, forcément idéalisé, d'un jazz
qui était populaire, de par ses origines immédiates et son succès
auprès d'un large public. Remarquez, pour certains intégristes (il
y en a partout), cette musique n'était déjà plus du jazz depuis quelques
temps. Comme quoi…
Pierre
Villeret, Centre Info Jazz Champagne Ardennes
pour Macao