PAF
TRIO à Charleville-Mézières :
Ludique et élégant.
Charleville Action Jazz recevait mardi 21 Mai au Théâtre le PAF TRIO.
Si cette formation est souvent associée au nom de Paolo Fresu, il s'agit
en fait de la réunion de trois fortes personnalités travaillant ensemble
depuis 15 ans, Antonello Salis et Furio Di Castri partageant le leadership
et les compositions avec le trompettiste sarde.
Le plaisir, visiblement ressenti sur scène par les musiciens, est transmis
instantanément au public qui réagit dès la fin du premier morceau par
une ovation des plus chaleureuses. D'emblée, on est conquis par le bugle
de Paolo Fresu qui justifie la réputation de ce musicien : un des plus
beaux sons de la planète jazz, parfaitement maîtrisé, avec des effets
électroniques gérés avec parcimonie, préservant le plus souvent le grain
naturel de l'instrument. Et quel phrasé ! Fluide, limpide, évident…
Très rapidement le phénomène Antonello Salis vient perturber le bon ordre
des choses, lâchant de la main droite des salves de notes percussives
d'une manière très inattendue, pendant que la main gauche installe un
ostinato rythmique….
Entre Paolo très décontracté, affalé sur sa chaise, et Antonello bondissant
sur son tabouret, Furio Di Castri, impérial derrière sa contrebasse, fait
le lien, pose les fondations permettant à ses compères toutes les audaces.
Et ils ne s'en privent pas, les bougres : pour le second morceau, inspiré
par l'Afrique, Antonello Salis, introduisant entre les cordes de son piano
sacs plastiques et baguettes de bois, transforme le noble instrument en
une sanza géante dont il se joue avec malice, tissant un tapis de sons
sur lequel se déploie la trompette de Fresu.
La complicité qui unit les trois musiciens est flagrante: ils jouent ensemble
depuis 15 ans, et ça se voit, et ça s'entend…Leur maîtrise instrumentale
époustouflante leur permet une liberté et une aisance qui font sonner
la musique comme une évidence. Et pourtant, il n'est pas donné à tout
le monde de marier au sein d'un même morceau tango et cha-cha , de détourner
les contes d'Offmann ( Offenbach) à force de gargarismes, d'inclure dans
le discours musical différents bruitages ( éructations, sifflements de
Salis, enregistrements de téléphone mobile, papiers déchirés, frottements
divers…), tout en privilégiant la mélodie et la recherche harmonique,
le tout avec un son d'ensemble cohérent . Et en plus, ça balance : nul
besoin de batterie pour installer le rythme, il est omniprésent dans le
jeu de Paolo Fresu, de Furio Di Castri, et d' Antonello Salis. Lorsque
celui-ci empoigne l'accordéon, on se rapproche de la Sardaigne et de ses
musiques populaires, mais ce n'est qu'un prétexte pour de nouvelles errances.
Le public jubile, en redemande. Le premier rappel, joué d'une manière
totalement acoustique est un hommage émouvant composé par Paolo Fresu
le jour de la mort de Fellini, et permet d'apprécier un très beau chorus
de Furio Di Castri, le second rappel replonge les auditeurs dans une musique
lyrique et entraînante . Les mélodies resteront dans les mémoires, associées
au souvenir d'une très belle soirée…
Longue vie à ce trio magique : quand un brin de folie vient s'immiscer
dans une musique lyrique, élégante et raffinée, jouée par de tels instrumentistes,
on ne souhaite qu'une chose: que le plaisir se renouvelle le plus souvent
possible.
Patrice
Boyer pour Macao