Un concert à part dans la programmation de Charleville Action Jazz, assurément loin des critères du jazz, même si les musiciens de Shezar nomment leur musique "jazz oriental". Malgré cela, le public a pleinement apprécié, prouvant par là que les amateurs de jazz sont des esprits ouverts.
Des compositions inspirées par l'Orient, le plus souvent par la Syrie, signées par le joueur d'oud Hassan Abdelrahman, et plus étonnamment par le clarinettiste norvégien Kjetil Selvik. Répondant à notre questionnement, celui-ci nous a éclairé en expliquant qu'il avait étudié l'arabe, qu'il parle couramment (de même que le français !), et que de là lui était venue une passion pour la culture arabe, notamment la musique, passion qu'il avait développée au cours de nombreux voyages. Les deux autres musiciens ne sont pas en reste, Nicolas Beck maniant aussi bien le tahru, sorte de violoncelle oriental, qu'une contrebasse étonnamment petite, et Fabien Guyot faisant preuve d'une grande maîtrise de toutes sortes de tambourins, darbouka, cajun, tout en marquant souvent le tempo sur des percussions métalliques jouées avec le pied.
Les quatre musiciens nous ont emmenés en voyage, Hassan servant de guide en nous expliquant les titres de ses compositions, et s'excusant presque lorsqu'il évoque les événements actuels en Syrie. Malgré tout, un titre chanté par Hassan, dont la traduction serait "prendre la mer" évoque pour lui non une fuite, mais la recherche d'un chemin vers la liberté.
Les timbres des instruments se marient à merveille, les climats souvent rêveurs, voire contemplatifs, les mélodies superbes, tour à tour nostalgiques et enjouées se déroulent sur un tapis de percussions savantes. Là où cette musique rejoint le jazz, c'est qu'elle est propice à des improvisations, et que nos quatre voyageurs ne s'en privent pas, pour notre plus grand plaisir, prouvant à ceux qui en douteraient que la rencontre de différentes cultures est un enrichissement et que vouloir comparer et opposer des "civilisations" relève de l'absurdité.
On s'éloigne de la musique ? Pas si sûr : la musique, source d'un plaisir infini, véhicule aussi des valeurs, et sûr que celle de Shezar est porteuse non seulement de tolérance, mais aussi de partage. Et nous avons partagé avec ces musiciens un merveilleux moment.
Patrice Boyer