Elle arrive sur scène dans une petite robe noire, épaules
dénudées, saxophone à la main : image rare dans
le monde du jazz presque exclusivement masculin, surtout côté
souffleurs.(Mais attention, Géraldine Laurent (saxo) , Airelle
Besson (trompette) et quelques autres sont aussi en train de changer
la donne.)
La question est de savoir si une présence féminine au
saxophone, mais également au leadership, et responsable de
la plupart des compositions, apporte un ton différent . A l'écoute
des premières notes du saxophone , on est tenté de répondre
par l'affirmative : moins de notes, plus de sensibilité peut-être,
que chez la plupart de ses confrères "mâles".
Mais très vite, le son de saxophone de Sophie Alour évoque
son maître Joe Henderson, que l'on peut difficilement rattacher
à la gent féminine. Même sensibilité, même
velouté, même phrasé économe.
Mais, si Sophie Alour revendique l' influence de Joe
Henderson, elle n'en propose pas une copie conforme, mais s'inscrit
dans la lignée, tout en apportant sa propre touche.
La féminité s'exprimerait-elle dans
la couleur des compositions? Difficile d'être catégorique
: disons que les compositions de la dame sont originales, fort bien
construites, et ne se limitent pas à quelques mélodies
bien senties, mais mettent en oeuvre une architecture complexe. Rien
qui ne soit spécifique au sexe du maître -d'oeuvre. Reste
le son de l'ensemble : peut-être cette volonté de se
placer dans un son de groupe , sans se mettre trop en avant est-elle
plus féminine, s'écartant un peu de l'égo masculin.
Et là, on a véritablement affaire à un son de
groupe, grâce peut-être au travail remarquable de Laurent
Coq au Fender Rhodes, créant une matière sonore dense
et mouvante, qui contraste avec le jeu clair et précis de Karl
Jannuska (quelle présence!) et l'assise de la contrebasse de
Sylvain Romano.
On a beaucoup écrit, lors de la sortie de "Uncaged",
sur la volonté de Sophie Alour de se rapprocher du travail
collectif du son propre à une certaine musique pop-rock. C'est
particulièrement sensible ici, de même que le format
"pop-song" de certaines compositions. Par contre, on a aussi
beaucoup écrit sur l'évolution du son de son saxophone,
se voulant plus autoritaire, plus torturé, et si cela était
palpable sur l'enregistrement, les incursions dans ce registre semblent
plus rares sur scène, comme si la belle retrouvait son naturel
: celui de l'expression de sa sensibilité -peut-être
féminine?- qui ne l 'empêche pas d'affirmer franchement
une belle personnalité. Cela se ressent dans sa manière
de diriger le groupe, avec gentillesse mais assurance et autorité,
le tout sous l'oeil (et l'oreille) d'un Maître Coq encore une
fois remarquable, dans un registre fort différent de son travail
avec Pierrick Pedron sur cette même scène deux mois plus
tôt.
En conclusion, une belle prestation d'un beau groupe. Et finalement,
s'il faut absolument trouver un élément typiquement
féminin à la prestation de Sophie Alour, ne serait-ce
pas tout simplement le charme ?
Patrice Boyer
Petit
jeu particulièrement révélateur : Les
femmes et Charleville Action Jazz
.
Question: Au cours de sa déjà longue existence, Charleville
Action Jazz a accueili un petit nombre de musiciennes : Combien pouvez-vous
en citer ?
A titre indicatif : 11 chanteuses,
2 pianistes, 1 organiste/harmoniciste/chanteuse,
1 contrebassiste, 1 bassiste, 2
guitaristes, 2 violonistes, 1 percussionniste, 1 harpiste, 2 saxophonistes.
réponse
ici