Depuis Alphabet, son premier album en leader enregistré en 2011 après l'aventure collective de Rockingchair, Syvain Rifflet ne cesse de décliner son univers personnel au fil de projets tous plus originaux les uns que les autres. Dooble, en duo avec Philippe Giordani, qui fait la part belle aux musiques électroniques, vient de sortir. Mais ce soir, iI présentait Tri!ple, une nouvelle formule, batterie, claviers électriques, saxophone et clarinette avec ou sans traitement électronique, et une shruti-box importée d'Inde, rappelant son intérêt pour les musiques modales orientales... dont un album est en cours de mixage.
Si le somptueux son de sax ténor du premier morceau évoque Stan Getz, un maître auquel il a consacré un album, Sylvain Rifflet nous entraîne bien vite dans un autre univers : rythmes proches du Rn'B joués sur une batterie acoustique par l'impérial Vincent Taeger, claviers électroniques de Bettina Kee à mille lieues des chorus jazz, Triple emprunte aux codes de la musique électronique et du rock, mais également aux musiques répétitives et aux modes orientaux. A la croisée de ces différents courants, les compositions développent des climats parfois planants, parfois chargés d'énergie.
Le saxophone ou la clarinette installent des boucles qui se modifient au fil de leur répétition, faisant imperceptiblement glisser les compositions vers un ailleurs dont émerge parfois une fulgurance, un cri rappelant que Sylvain Rifflet est un improvisateur de premier plan. Mais la maîtrise du son reste une priorité : grâce à des effets électroniques discrets sans cesse manipulés, le saxophone prend des couleurs diverses, se mariant aux sons des claviers qui soulignent les thèmes et mélodies, et créent surtout des climats propices aux compositions.
Sylvain Rifflet, après quatre morceaux enchaînés, prend quelques minutes pour présenter sa shruti box, dont le soufflet est actionné par une rudimentaire pédale en bois, et crée un bourdon sur lequel se basent traditionnellement les improvisations modales de la musique indienne. Instrument original, peut-être trop discret face au volume sonore de la batterie puissante de Vincent Taeger et des synthés de Bettina Kee, mais qui participe de la mise en place d'un univers étonnant qui entraîne, enthousiasme, subjugue mais parfois déconcerte : le jazz est une musique plurielle, elle ouvre les portes d'un monde parallèle… pourvu qu'on accepte d'y entrer.