Mardi 20 mars 2012

Auditorium du C.R.D.
CHARLEVILLE-MEZIERES

Thomas Savy Trio


photo Michel Renaux

Thomas Savy : clarinette basse

Stéphane Kerecki : contrebasse

Fabrice Moreau : batterie

 

THOMAS SAVY : L'autre versant de la clarinette basse.

La clarinette basse est bien représentée dans univers du jazz français : dans le sillage de Michel Portal se sont engouffrés quelques-uns des meilleurs spécialistes de cet instrument qui bizarrement semble avoir moins la cote outre-atlantique. Ainsi Sylvain Kassap, Louis Sclavis, Jaques Di Donato, Armand Angster, Denis Collin nous-ont-ils gratifié de nombreux enregistrements et concerts au cours des dernières décennies. Tout en étant avant tout des musiciens de jazz, tous assument avec plus ou moins de ferveur un double héritage : la musique classique contemporaine d'une part, et l'attrait des musiques "traditionnelles" d'autre part. Ainsi les folklores européens ( plus ou moins imaginaires ), des Balkans au Pays Basque, se marient-ils souvent avec bonheur aux sonorités plus travaillées issues des techniques d'une musique plus expérimentale : diphonie, souffle continu, harmoniques, bruits des mécaniques de l'instrument ... etc ...

Chez Thomas Savy, si cet héritage européen n'est pas totalement absent, c'est néanmoins le jazz américain qui semble être à la base de son travail de composition et de son utilisation de la clarinette basse. On pense bien sûr à Eric Dolphy qui a ouvert la voie, mais Thomas Savy ne se réfère pas uniquement à lui. En présentant ses morceaux, il cite d'ailleurs quelques noms qui ont influencé sa démarche, et ce sont plutôt des saxophonistes : Joe Lovano, dont il insère une composition au milieu d'une des siennes, Kenny Garrett, Brandford Marsalis, et pour le dernier morceau Steve Potts avec qui il a beaucoup joué, en compagnie de Stéphane Kerecki. Signalons également un hommage appuyé à Jean-François Jenny-Clark, "professeur et ami qui leur manque cruellement. "

Toutes ces références peuvent nous aider à construire une image de la musique interprétée : un jazz moderne, s'appuyant sur la tradition afro-américaine, mais ne refusant pas quelques quelques incartades vers le free-jazz. On admire la sonorité de la clarinette basse, la technique et le phrasé du leader, mais également le soutien sobre et efficace de Stéphane Kerecki, contrebassiste qui ne se met jamais en avant et dont les chorus sont tout en retenue. Quant à Fabrice Moreau, il dévoile ici un jeu assez différent ce celui qu'il exposait il y a quelques semaines sur cette même scène avec Arnault Cuisinier : s'il est toujours aussi mélodiste, il se révèle aussi admirateur d'Ed Blackwell, faisant parfois chanter ses toms comme des tambours africains ...

Le travail en trio sans soutien harmonique est un exercice périlleux : seuls les plus grands, Sonny Rollins et Joe Henderson en tête arrivent à captiver l'audience le temps d'un concert : Thomas Savy, Stéphane Kérecki et Fabrice Moreau nous ont prouvé ce soir qu'ils font partie de ce club très prisé, et que ce trio 100% francais n'avait rien à envier à celui qui a enregistré "French Suite" à New York avec Thomas Savy, ( Scott Colley à la contrebasse et Bill Stewart à la batterie. ) La clarinette basse est un instrument très expressif. La chaleur de sa sonorité, l'étendue de son registre et de sa dynamique permettent l'expression de sentiments très divers. Avec Lonnie's Lament, de Coltrane, joué en rappel et moment de grande émotion, le public a définitivement compris qu'il avait affaire à de grands musiciens, faisant passer l'essentiel ( au sens fort du terme ), bien avant la démonstration virtuose, préférant l' "être"au "paraître".

Patrice Boyer

 

 

photos balance et concert : Michel Renaux

 

















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