On attendait
Trilok Gurtu. En fait, ce fut le Arkè String Quartet qui joua
seul le premier morceau, devant une salle bondée. Et d'emblée
l'évidence d'un son sensiblement différent d'un quatuor
à cordes "classique". La présence d'une contrebasse
à la place du traditionnel violoncelle y est certainement pour
quelque-chose, d'autant plus qu'à l'instar des contrebassistes
de jazz, Stefano Dall'ora privilégie le pizzicato. L'amplification,
sans effets ostensibles, mais gommant légèrement les
aspérités donne au quatuor un son très plaisant.
Quand Trilok entre sur scène et s'installe derrière
son impressionnant set de percussions, composé d'une batterie
"jazz" avec des toms électroniques, de tablas, et
d'une foultitude de cymbales et de petits accessoires, il apporte
au groupe une nouvelle dynamique. On se rend rapidement à l'évidence,
sa réputation n'est pas usurpée : précision du
geste et de la frappe, virtuosité, inventivité, tous
les ingrédients sont là pour une prestation exceptionnelle.
Petite crainte quand Trilok interrompt son premier chorus de tablas
pour réclamer un silence total. L'ambiance est un peu tendue.
Heureusement quelque morceaux après, il déclare que
le public est trop sage, qu'on est là pour prendre du plaisir
et qu'on peut le manifester. L'audience se décrispe et participe
au concert, jusqu'à l'apothéose finale où le
public reprend en chur les onomatopées chantées
souvent associées aux rythmes des tablas.
Entre temps,
le répertoire a visité bien des contrées. Majoritairement
composé de compositions des membres du quatuor, il nous entraîne
aussi bien en Egypte, au Maroc et bien sur en Italie notamment évoquée
par le biais d'une suite de tarentelles très entraînantes.
Trilok Gurtu, de son côté nous proposant des morceaux
inspirés par son Inde natale.
Cette variété d'inspiration ne nuit en rien à
l'homogénéité de l'ensemble. Procurée par le
mélange du modèle classique et de l’arrangement ethno-contemporain
propre au travail de Trilok Gurtu, la musique fonctionne à
merveille, portée par des musiciens de grande valeur. Le premier
violon Carlo Cantini est impressionnant de virtuosité, et possède
un sens de l'improvisation rare chez les musiciens "classiques".
Les autres membres du quatuor, Valentino Corvino (violon), Sandri
Di Paolo (alto) et Stefano Dall'ora (contrebasse) sont eux aussi à
l'aise dans l'improvisation et le dialogue passe à merveille
entre les cordes et les percussions. Passage "space" : Trilok,
malheureusement tourné dos au public distille des sons inouïs
garce à des percussions bizarres, parfois jouées dans
un seau d'eau, avec il faut le dire la complicité de l'excellent
sonorisateur qui y ajoute réverb et autres effets... Moment
magique ...
La fin
du concert approche. Trilok s'installe sur un cajon placé sur
le devant de la scène et chante les onomatopées liées
aux rythmes , et entreprend de les faire reprendre par la salle. Ce
qui n'est pas une mince affaire quand on ne possède pas cette
culture. Mais Trilok Gurtu est aussi un entertainer, et repartant
sur des bases plus simples, il entraîne l'auditoire avec lui.
Un court instant les instruments à cordes se font percussions
sous les doigts des instrumentistes, le public ravi frappe dans les
mains, dirigé par le Maître Gurtu.
Rappel
tout en énergie avec Trilok toujours au cajon avec un quatuor
en verve et un public définitivement sous le charme. Standing
ovation bien méritée. Ce soir le public a découvert
un grand percussionniste et une bien belle musique!
Patrice Boyer