YOUN
SUN NAH QUINTET
Auditorium E.N.M.D. Charleville-Mézières
Mardi 15 novembre 2005
Sous
le charme…
Youn
Sun Nah était attendue avec impatience à Charleville-Mézières : les excellentes
critiques ayant accueilli son album " So I am ", son récent plébiscite
au concours de " Jazz à Juan ", les commentaires élogieux de nombreux
musiciens laissaient présager d'un excellent moment.
A l'instar du public parisien qui s'était pressé au Duc des Lombards (3
soirées consécutives à guichet fermé, seules quelques " stars " du jazz
hexagonal peuvent s'en vanter !), les spectateurs carolo-macériens s'étaient
déplacés en nombre. Et ils ne l'ont sûrement pas regretté ! Le concert
fut éblouissant, du début à la fin.
D'emblée, on se rend compte qu'on a affaire à un véritable groupe, et
non à une chanteuse accompagnée de musiciens, fussent-ils excellents.
Bien sûr, on est subjugué par la voix de Youn Sun Nah, qui sait se faire
caressante, et l'instant d'après impressionnante de puissance. Bien sûr,
on tombe sous le charme de la jolie coréenne, que l'on devine à la fois
très sensible et très forte. Mais le groupe fait preuve d'une telle cohésion,
les musiciens sont tellement investis dans ce projet, qu'au-delà des performances
individuelles, c'est le son collectif qui prime.
On ne sait alors que louer : la complicité, l'inventivité, l'énergie très
forte qui sous-tend cette musique, souvent retenue mais qui parfois explose
: le martèlement des lames, des cordes, des peaux et des cuivres, associé
à cette voix extraordinaire qui ose parfois le cri dans un paroxysme impressionnant,
rappelle alors d'autres aventures musicales non balisées .( Four Walls
entre autres ) Mais même dans ces moments, l'émotion reste présente, qui
le morceau suivant s'exprimera dans le murmure, sans pour autant perdre
force et intensité.
Les fans de la première heure ont sans doute été surpris: il a fallu attendre
trois bons quarts d'heure avant de reconnaître un morceau tiré du dernier
album. " Inner Storm " dont le titre illustre à merveille le mélange d'intériorité
et d'énergie évoqué précédemment sera suivi par "The Past ", interprété
en duo avec Benjamin Moussay. (Quel pianiste !) Mis à part " Pancake ",
joué pendant les rappels, le reste du répertoire était constitué de nouveaux
morceaux, composés par l'un ou l'autre des musiciens, ou parfois à plusieurs.
L'interprétation très collective, la rythmique tour à tour délicate et
énergique (Yoni Zelnik fin contrebassiste et David Georgelet batteur précis
et inventif), la cohésion du son, l'accord parfait entre le piano de Benjamin
Moussay et le vibraphone de David Neerman ( une découverte !) et la merveilleuse
voix de Youn Sun Nah donnaient toute leur valeur à ces compositions, ouvrant
une voie originale. On mesure le chemin parcouru depuis le premier album
" Light for the people " : Exit les standards au demeurant très réussis
(" Besame mucho ", " Sometimes I'm Happy "..), le squat avec toutes les
conventions qu'implique ce terme, au profit de chansons plus proches du
format " pop song " que du realbook, ( interprétées avec une liberté et
une finesse qui sont l'apanage des plus grands artistes de jazz), développant
la matière sonore d'un univers de plus en plus personnel..
On attend avec impatience le prochain album du Youn Sun Nah Quintet ne
serait-ce que pour nous rappeler ce concert inoubliable, en espérant qu'un
public nombreux suivra la belle coréenne dans cet univers réellement
original qu'elle a dévoilé pour notre plus grand bonheur sur la scène
de Charleville.
Patrice Boyer
photos Christian Deblanc
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