Mardi 13 Mars 2007

Auditorium E.N.M.D.

Yves Robert Trio "La tendresse"


photo Jean-Pierre Cosset

Yves Robert : trombone
Vincent Courtois : violoncelle
Edward Perraud : batterie


Décrire la musique d'Yves Robert est une gageure, tant elle ne ressemble à aucune autre. Le tromboniste lui-même semble en être conscient lorsqu'il introduit le concert par une présentation d'apparence très doctorale de sa démarche, avec l'humour qui le caractérise.
Le concert commence : On est absorbé dans un univers mouvant, une matière sonore inédite, d'où émerge parfois une bribe de mélodie, qui prend peu à peu vie, puis disparait doucement dans la masse sonore. Le regard s'accroche alors à la performance des musiciens.
Beaucoup connaissent déjà Vincent Courtois, sa précision et sa rigueur instrumentale associées à une grande inventivité : travail au niveau du son, parfois acoustique et très droit, parfois électrique presque rock, alternant archet et pizzicato, le violoncelle se faisant alors contrebasse et apportant une solide assise rythmique.
Edward Perraud sera pour tous une découverte, ou une redécouverte pour ceux qui l'avaient vu sur cette scène en compagnie de Sylvain Kassap et Hélène Labarrière, il y a quelque temps.... Il surprend dès la première note par son utilisation non conventionnelle de la batterie, utilisant une foultitude d'accessoires pour frotter, gratter, fouetter peaux et métaux, le tout avec une gestuelle impressionnante, le regard navigant constamment de son instrument à la table posée à sa gauche où sa main va saisir un archet, un peigne, une cymbalette, une brosse....pour lui faire produire deux ou trois sons avant de le changer pour un outil tout autant étonnant. Rassurez-vous, il utilise aussi des baguettes et autres mailloches , et le plus surprenant est qu'il reste toujours dans le groove, dans le rythme. Il n'est pas uniquement un bruitiste, il est avant tout un batteur, et en tous cas, un grand musicien.
Entre Vincent et Edward, Yves Robert apporte sa respiration et un large éventail de sonorités, grace sa maitrise technique ( multiphonies, slaps...) et l'utilisation occasionnelle de sourdines. C'est lui qui organise la progression des morceaux, présentés comme des suites. C'est lui qui le plus souvent introduit les mélodies, parfois à l'unisson avec Vincent Courtois. C'est lui qui décide si elles doivent se développer ou se laisser happer par la matière sonore afin de mieux ressurgir avec une force nouvelle qui finira par les imposer, par les faire réellement émerger et révéler leur beauté, leur tendresse.
Si le vocabulaire employé évoque souvent le marécage, ne croyez pas qu'il s'agit d'un univers glauque et malsain. C'est plutôt l'évocation de sentiments incertains mais toujours tendres et sensuels, comme des caresses suspendues....Et l'on est à nouveau surpris quand parfois la matière se pétrit d'énergie : violoncelle et batterie assurent un court moment une rythmique presque hypnotique et entre ces deux montagnes coule, telle une rivière avec ses méandres et ses sinuosités, un thème chaloupé joué par le trombone d' Yves Robert,lequel esquisse même à l'occasion quelques pas de danse. ( Cette nouvelle métaphore "hydrologique", je l'ai empruntée à Edward Perraud, évoquant après concert avec Vincent Courtois ce moment qu'il avait particulièrement apprécié. )
Un concert qui étire la notion du temps qui passe. Yves Robert, après les deux premiers morceaux qui ont duré une heure, semble émerger et demande au public combien de temps le trio a joué , avant de proposer une nouvelle suite pour conclure la prestation.
Certains auditeurs sortiront de ce concert un peu décontenancés, d'autres enthousiasmés, mais tous avec le sentiment d'avoir découvert une musique profondément originale, portée par des musiciens au talent singulier.
Patrice Boyer

Les photos ont été prises pendant la balance.

 

photo Jean-Pierre Cosset
 

photo Michel Renaux

photo Michel Renaux
 

photo Michel Renaux

photo Michel Renaux
 

photo Jean-Pierre Cosset

photo Jean-Pierre Cosset
 

photo Michel Renaux


photo Michel Renaux


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photo Michel Renaux