Heureuse, Aska?
Visiblement,
oui, et elle pouvait l'être après une telle performance,
de même que ses compagnons de voyage qui nous ont entraînés
loin, très loin, plus près sûrement de l'Argentine
que du Japon. En effet, l'écriture de la plupart des morceaux
signés Gerardo Di Giusto reposait sur des rythmes traditionnels
argentins ( mais jamais de tango), joués ici avec une rigueur
très japonaise par le fantastique percussionniste Yahiro Tomohiro.
Et les quelques compositions signées Aska Kaneko ou Carlos Buschini
restaient dans la même veine. Certes, on sentait souvent un petit
parfum extrême-oriental, amplifié encore quand Aska abandonne
son violon pour jouer de la voix ( magnifique ).
Et ce métissage
fort réussi ( un challenge selon Gerardo Di Giusto ) doit beaucoup
à la qualité de l'écriture, mais aussi à
l'extrême complicité qui unit ces musiciens et au plaisir
qu'ils prennent visiblement, et qu'ils communiquent au public dès
le début du concert.
Les spectateurs pour la plupart d'entre eux, connaissaient déjà
le pianiste Gerardo Di Giusto et le contrebassiste Carlos Buschini (
qui troquait souvent sa contrebasse longiligne contre une basse électrique
6 cordes). Tous deux furent excellents.
La découverte,
de taille, vint donc du Pays du Soleil Levant : Que le percussionniste
Yahiro Tomohiro connaisse si bien les rythmes latins peut s'expliquer
par le fait qu'il a vécu longtemps aux Canaries, et l'énergie
qu' il impulse à cette musique doit sûrement aussi quelque-chose
à la percussion traditionnelle japonaise, même s'il n'en
joue jamais les rythmes.
Quant à
Aska Kaneko, elle fut époustouflante de virtuosité et
d'inventivité, faisant le lien entre l' Argentine et le Japon
par un son de violon qui trahit une énorme culture classique
européenne - On l'imagine très bien interprétant
Bartok ! Sauf qu'elle ne pourrait alors pas s'échapper de la
partition et se lancer dans de folles improvisations, comme elle le
fait sans interruption avec Gaïa Cuatro. Ajoutons que la manière
dont Aska Kaneko fait corps avec son violon et la gestuelle qui en découle
sont un plaisir pour les yeux qui magnifie encore le sentiment de bonheur
qu'elle nous procure.
Le public
en redemande, les musiciens généreux jusqu'au bout de
cette première tournée européenne reviendront trois
fois pour notre plus grand plaisir... Seul l'archet du violon d' Aska
doit se réjouir de la fin du concert : il a perdu quelques crins
au passage et a sûrement besoin d'un bon reméchage!
Patrice Boyer