Double plateau
pour montrer comment la musique traditionnelle italienne, mais surtout
le tempérament exalté de nos amis transalpins (résidents
ou émigrés ) peuvent se combiner avec l'idiome jazz
( Al Funduq) ou le tango argentin (Girotto/Biondini).
ça
commence avec le duo Javier Girotto (saxophones soprano et baryton)
Luciano Biondini (accordéon). Question tempérament,
on est servi. On comprend pourquoi le qualificatif de fougueux est
souvent associé au tango argentin. Et quelle énergie!
Javier tape du pied, comme pour mieux expulser de son soprano un flot
tendu de notes, l'amenant souvent aux limites du cri, pour ensuite
explorer les sinuosités de compositions très écrites.
Luciano grimace, son visage exprimant l'émotion qui transpire
de son accordéon. Lorsque Javier empoigne son saxophone baryton,
pour un long solo commençant calmement, et se gonflant peu
à peu d'énergie, on est saisi par la qualité
du son et par la beauté de la composition. Car si ces fantastiques
musiciens sont de grands improvisateurs, à la complicité
évidente, tous deux sont aussi des compositeurs chevronnés
et la complexité des morceaux présentés est là
pour le prouver.
Retour
au soprano pour à nouveau associer finesse et fougue avec toujours
la même émotion. Et un rappel tout en énergie
au cours duquel les sons graves du baryton se jouent d'un tempo d'enfer,
habillés des aigus et des graves profonds d'un accordéon
volubile.
Magnifique!
Vient le tour
d'Al Funduq. Différence de tempérament. La musique se
veut plus voyageuse, mêlant les influences. Des tarentelles
siciliennes aux mélodies d'inspiration orientales, des rythmes
africains aux danses napolitaines, la musique se promène sur
un tapis de percussions. Bien sûr on est subjugué par
l'extraordinaire talent de Carlo Rizzo dont les tambourins dialoguent
avec une folle aisance avec le djembé et le tanami de Zoumana
Dembélé. Qui oserait encore prétendre que les
percussions à peaux frappées ne sont pas des instruments
mélodiques?
Pierre Vaiana s'impose comme un grand spécialiste du soprano,
dans un style différent de celui de Javier Jirotto : si le
son est également puissant, il est tout en rondeur, plus ouvert.
Il fait merveille sur "Al Jazaïr", une ballade dédiée
à un ami algérien, et s'émancipe sur "A
ciascuno il suo" une suite s'inspirant d'un roman de de l'écrivain
sicilien Leonardo Sciascia.
Fabian
Fiorini, grand maître des harmonies inattendues et le contrebassiste
Nicolas Thys participent à l'élaboration d'une musique
à la fois respectueuse d'un héritage culturel ( les
chants de charretiers siciliens, les tarentelles, l'Afrique Noire,
le Maghreb...) et ouverte sur l'aventure, le voyage, l'improvisation.
On rêvait
d'une rencontre entre Al Funduq et le duo Girotto/Biondini : on ne
fut pas déçu. Rencontre au sommet de deux grands saxophones
soprano aux tempéraments si différents, mais surtout
communion entre sept musiciens partageant le même goût
pour l'aventure. Le dernier morceau joué en rappel ,"
Chiacchiara ccu mia"est un poème écrit sur le "parler
ensemble". Il utilise aussi bien le sicilien, que l'anglais et
le djoula, pratiqué par Zoumana Dembélé.
Brassage
des cultures, à l'image de cette rencontre improvisée
entre des musiciens d'exception.
Le cd "Porta
de Vento", vient de sortir sur le label Igloo. On y retrouve
Al Funduq et des invités chanteurs traditionnels siciliens.
Il est bien sûr fortement recommandable.
Patrice Boyer
Pierre Vaiana
et Carlo Rizzo étaient en résidence la veille du concert
à l'ENMD de Charleville Mézières, avec les classes
de percussions, les ateliers de musique brésilienne, et le
Big Band de l'ENMD, qui a accueilli le public du théâtre
en musique en prologue au concert.
Compte rendu
du stage disponible ici